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Meta-Morphosis
2024
Avec Meta-Morphosis, Tommy Goguely orchestre une rencontre fascinante entre l’histoire de la photographie et les capacités génératives de l’intelligence artificielle. Partant d’une icône fondatrice, le Point de vue du Gras de Nicéphore Niépce (1839), il interroge la mémoire visuelle collective en la soumettant au prisme des algorithmes, ces nouveaux outils de médiation de notre regard.
Le projet déploie une méthodologie simple mais riche de conséquences : demander à une IA de décrire une image, puis de générer une nouvelle image à partir de cette même description, selon un processus itératif. Cependant, ce cycle de description et de génération n’est pas qu’un exercice technique, il constitue une exploration critique des mécanismes par lesquels les machines « comprennent » et transforment le visible. Très vite, ce qui était une retranscription plutôt fidèle devient autre chose : une relecture biaisée, métamorphosée par les filtres culturels et esthétiques inscrits dans le code. Chaque étape semble marquer une déviation progressive par rapport à l’original. Le passage au format 16:9, l’apparition de motifs urbains contemporains, ou encore l’incursion d’influences asiatiques traduisent non seulement une évolution formelle mais aussi une projection de l’air du temps, captée et amplifiée par des algorithmes entraînés sur des bases de données saturées d’images contemporaines. Tommy Goguely pointe ici l’un des aspects fondamentaux de l’IA : elle ne reproduit pas la neutralité, mais reflète les biais et les structures de pouvoir inscrits dans nos archives numériques.
Cette œuvre, cependant, ne se limite pas à une critique froide de la technologie. Elle est également un hommage à la malléabilité de l’image, à son pouvoir d’incarner des transformations culturelles et historiques. Si le projet s’ancre dans une esthétique du glitch et de la déformation, il invite surtout à une réflexion plus vaste sur l’intelligence artificielle comme collaborateur créatif, capable d’étendre — mais aussi de distordre — notre rapport au réel. La série Meta-Morphosis révèle ainsi la tension constante entre mémoire et mutation, entre fidélité et altération. Elle témoigne de notre époque, où l’image, soumise à une production incessante, devient un terrain instable, à la fois chargé de significations héritées et ouvert à des réinterprétations infinies, nous incitant à interroger ce que signifie encore « voir » dans un monde saturé d’images auto-générées. Ce travail n’est ainsi pas seulement un regard sur le passé ou une projection dans le futur, mais un miroir tendu vers nous-mêmes : spectateurs, créateurs, et, de plus en plus, collaborateurs des machines.
(Ce texte a lui-même été écrit par l'algorithme utilisé dans ce projet)